Editorial Octobre 2011

Posted on 16 octobre 2011

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Qu’en est-il de l’ordre symbolique au XXIème siècle ?

 

À Buenos Aires, du 23 au 27 avril 2011, le viiième congrès de l’amp s’interrogera sur l’ordre symbolique au xxième siècle. L’ordre symbolique bouleversé, les conséquences retentissent dans la cure et dans la praxis des cliniciens qui s’orientent de la psychanalyse.

Jacques-Alain Miller isolait le dit de Lacan quant à la montée au zénith social de l’objet petit a dans l’hypermodernité qui est la notre. Il en fit sa « boussole » dans son cours « L’Autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique. »[i] Il nous le rappelle dans sa fantaisie[ii] en août 2004, à Comandatuba, lors du ivème congrès de l’amp.

J’ouvrirai ici une parenthèse, J.-A. Miller, en effet, nous permet, par la connaissance et le recul qu’il a quant à l’enseignement de Lacan, de ne pas trop errer, ni nous perdre en conjecture. Il isole des points saillant qui nous permettent de faire un retour à Lacan et à son Séminaire sans trop délirer, si je puis dire. Comme Lacan nous a appris à lire Freud, J.-A. Miller nous propose un chemin pour lire Lacan. Chacun, Lacan et Miller, inscrits dans leur siècle permettent à l’Orientation lacanienne et à la clinique analytique de faire un pas de plus.

Revenons au thème du congrès de l’amp. Quand commence le xxième ? Ce n’est pas le passage d’une seconde à l’autre qui bouscule l’ordre symbolique. Il ne s’agit pas de temps chronologique. Jean-Claude Milner invité par l’acf idf au Café-psychanalyse de Châtillon le 14 octobre dernier, considère que le mouvement de bascule a opéré avec l’effondrement des Twin Towers du Word Trade Center de Manhattan. Les attentats-suicides du 11 novembre 2001 marquent un virage dans l’histoire via le triomphe de la forme marchandise universalisée. C’est l’accomplissement de sa valeur d’usage. Une fois en sa possession on en fait ce que l’on veut. On en use selon sa propre volonté jusqu’à s’en servir comme objet de destruction. Ceci accompagne la transformation de l’être parlant en chose, tel Guantanamo inauguré réservoir d’informations. Le prisonnier est une boîte d’information. Le gardien, un pied de biche, qui par tous les moyens cherche à ouvrir la boîte…

Lors du viiième congrès de l’amp, le mercredi 25 avril 2011 sera clinique. Chaque intervenant tentera de dégager les conséquences du nouvel ordre symbolique dans la cure et ce qu’elles impliquent dans la praxis de l’analyste. Encore une fois, sera exposé comment la pratique analytique s’invente au cas par cas et comment elle n’est pas désarrimée de la civilisation dans laquelle elle est plongée.

Cinq Axes thématiques ont été dégagés par le comité d’organisation dirigé par Flory Kruger. Du transfert seront questionnés les fragilités du sujet supposé savoir et les conditions actuelles de l’amour. La puissance, l’efficacité et les limites de l’interprétation seront examinées. Du symptôme on interrogera la difficulté qu’il a à se constituer comme tel, mais aussi le symptôme‐jouissance, les restes symptomatiques et le savoir y faire avec le symptôme. L’énonciation, entre prudence et dérangement de la défense, entre désidentification et nomination, seront considérées de la place du désir de l’analyste. Et bien entendu, il sera question des conséquences pour l’inconscient et pour l’Autre. Pour de plus amples informations rendez-vous sur le site http://www.congresoamp.com Inscriptions : http://www.congresoamp.com/fr/template.php?file=Inscripcion.html

Foncièrement, nous estimons, en cette rentrée lacanienne, que la responsabilité de chacun s’est accrue. De là, en effet ne peut émerger qu’une réelle intranquillité pour les membres de l’acf idf. Responsabilité quant à notre tentative de bien dire dans la cure, responsabilité dans notre praxis, responsabilité dans la communauté de travail qu’est notre acf inscrite dans le Champ freudien, responsabilité dans les institutions où nous intervenons et enfin responsabilité hors les murs dans ce que j’appellerais le politique.

Notre communauté de travail, travail d’analysant, travail avec les patients, travail de contrôle, travail de recherche, travail de transmission est un lieu où chacun tente de mettre en exergue un savoir troué, orienté par le réel. La sexualité fait trou dans le savoir. Notre acf ne cède pas sur son désir de comprendre, montrer, exposer qu’un savoir y faire avec le réel est possible. Le discours analytique a son mot à dire à la civilisation à laquelle nous appartenons et avec laquelle, somme toute, nous avons d’énormes accointances.

Dans notre civilisation hypermoderne[iii], on constate une impulsion à avoir, hic et nunc, l’objet en poche. Immédiateté et permanence qui provoque une angoisse généralisée corrélée au mode de présence de l’objet dans la culture. La mondialisation de la fétichisation de la marchandise, articulée à la vitesse et à la nouveauté, s’impose au sujet déboussolé. La dictature du plus-de-jouir enjoint le sujet éhonté à franchir ses inhibitions. Le plus-de-jouir est aux commandes et le discours du maître nous berce de rêves universels et éternels… Là, pour l’acf idf et notre Champ, l’enjeu politique est considérable.

Charles-Henri Crochet


[i] Miller J.-A., L’autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique, Cause freudienne, n° 35, Paris, Navarin Seuil, 1997.

[ii] Miller J.-A., Une fantaisie, La psychanalyse appliquée à tous les âges, Mental, n° 15, Paris, NLS, février 2005

[iii] Miller J.-A, Ibid.

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